Moi, le pont de Truyère,
je suis le frère aîné, le plus ancien, le plus grand, le plus beau, le modèle. (Revoyez : "Savent-ils comment je suis fait ?") Mais je dois quand même dire quelle fut ma joie à la naissance de mon petit
frère sur l’Olt ! Et je dois aussi reconnaître que nous partageons la
responsabilité des relations Auvergne - Rouergue !
« Il suffit de passer le pont,
c’est tout de suite l’aventure »
Mais il faut bien nous passer tous les
deux si l’on veut aller du Royaume du Nord vers le Sud et la
Méditerranée !
Alors,
voilà : je vous présente mon petit frère le Pont Notre-Dame, sur la
rivière Olt.
Son faire-part de
naissance est des plus discrets : « les consuls lèveront des tailles pour la construction et pour les
réparations des ponts d’Olt, de Truyère, de Goul et de Selves »
C’est ainsi que
mon petit frère, le pont d’Olt, est évoqué ici, pour la première fois : en
1292, dans la charte des franchises municipales d’Entraygues.
Je ne connais pas son poids de naissance ni son périmètre crânien,
mais il est un peu moins long et moins large que moi. Il n’a que 3 principales
arches brisées, ainsi qu’une arche plus modeste, établie sur la berge
occidentale (rive gauche). Seules deux piles reposent dans le lit de la rivière :
elles sont ouvragées en étrave en amont comme en aval (avant- et arrière-becs
triangulaires).
Première intervention chirurgicale : c’est sans doute lui qui
a été « coupé » en 1388 par Jean III d’Armagnac, en même temps que
celui d’Espalion. Il s’agissait alors, en pleine guerre de cent ans, de barrer
aux compagnies de « Routiers » la route reliant l’Auvergne au
Rouergue (vous voyez son
importance !)
![]() |
Dessin d'Andrea Mutti tiré de Campus Stellae, Pierre Roland Saint Dizier et Andrea Mutti t 4 : de Vézelay à Compostelle. Glénat 2014 |
Ces compagnies de brigands, pillards devenaient un
perpétuel danger pour toute la contrée.
Le comte d’Armagnac prit le parti de
négocier avec eux et, moyennant finances, ils évacuèrent le Rouergue.
Pour les
empêcher de passer l’Olt, on les dirigea sur le Gévaudan, vers le Dauphiné.
En 1410, la réclamation des consuls d’Entraygues évoque « la reparatio del pon d’Ol de peyra, de
fustas » (réparation du pont d’Olt au moyen de pierres et de troncs de
bois).
Il
aurait encore été opéré en 1524.
En 1555, il est entièrement construit de pierre, comme on peut le voir
sur le grossoye du notaire de Cazaux.
Et en 1680 il subit sa
cinquième intervention, cette fois en même temps que ma restauration.
![]() |
Le pont d'Olt vu de l'amont avec le village en arrière-plan (photo Robert Couderc) |
Vous voyez que mon petit frère a souffert davantage des caprices
de la rivière que moi, alors que l’Olt semble pourtant moins puissant et bien
moins redoutable que la Truyère !
En effet, si une grande partie est
montés en pierres de taille de granit comme moi, l’appareil du reste de
l’ouvrage semble moins régulier, les deux grandes arches latérales étant
elles-mêmes plus ou moins ouvertes. Il a d’ailleurs encore fait l’objet de
restaurations en 1969.
En
tous cas nous ne sommes pas le pont d’Avignon et nous sommes fiers d’être un
passage obligé, de l’Auvergne au Rouergue, encore aujourd’hui. Nous attendons
impatiemment la fin de mes travaux pour nous retrouver et fêter cela en
chansons, danses et poèmes :
Vienne
la nuit, sonne l’heure, les jours s’en vont … je demeure
Guillaume Apollinaire, le Pont Mirabeau
A bientôt !
'Le Confluent'
route de Decazeville,
12140 Entraygues-sur-Truyère
Tél. : 33 (0)643 50 06 62 - 33(0)684 47 21 47
leconfluent@gmail.com